Le plancher du bateau semblait pouvoir céder à tout moment sous leurs poids. Ils n’étaient pourtant plus nombreux. Le voyage en Arphano avait été couteux... Tout du moins, pour la Gardienne des Maderas. Perdre des hommes n’avait jamais été un réel souci pour Saundra. Il y avait en elle quelque chose d’étrange, qui ne consistait à aimer ses proches ou son entourage que pour leur utilité, elle ne connaissait pas l’amour. Ou elle l’avait depuis longtemps oublié.
La main droite, délicate de la jeune femme, vint se poser sur mon omoplate gauche en pliant totalement le coude avant que ce dernier ne se fasse saisir par ses phalanges disponibles. Elle tira un coup sec. Crack. Le capitaine, dressé comme un « i » a ses côtés, tordit son visage dans une expression de dégout. Elle ignora pour se retourner et compter ce qu’il lui restait comme équipage. Pas plus d’une dizaine d’homme, sans compter les matelots, qui n’était pas à elle. Relâchant ses bras, elle soupira en fronçant les sourcils.

Une bande d’incapable… Toujours une bande d’incapable… Bougonna-t-elle, la mâchoire si crispée que personne n’aurait pu comprendre ses paroles.

Bon, le positif c’est que tous les noms de sa liste avaient été rayés, et donc supprimés. Elle pouvait désormais se rendre ou bon lui semblait pour quelques jours avant de rentrer en Temian pour faire son rapport.

Quand arrivons en Salvaniah ? Il me tarde de rencontrer quelqu’un, lança sa petite voix cristalline, perdue dans le vent.

Nous accosterons à Racium dans quelques heures. Par la suite libre à vous d’aller ou bon vous semble ! hurla le capitaine, de tous ses poumons.

Et bon débarras, pensa-t-il.

Il ne la sentait pas, que voulez-vous. Cette femme pouvait réveiller chez lui tous ses instincts de survies, qui lui criaient haut et fort de rester à bonne distance de cette femme. Vêtu d’une longue robe blanche aux tissus presque transparent, elle n’avait pourtant pas l’air dangereuse, comme ça. Ses ballerines ne pourraient pas faire de mal et ses cheveux glissaient en douce cascade de flammes chaleureuses jusqu’aux hanches. Elle avait un visage aux traits fins, un nez bien droit et des lèvres pulpeuses, mais on ne voyait pas ses yeux, cachés sous une imposante capuche. Par malheur, le pauvre capitaine les avait aperçus et, dans un regard noir aux pupilles dorés, il distingua des âmes en perditions. Ne lui demandez jamais véritablement ce qu’il a bien put lire dans ses prunelles d’or, il ne saurait vous répondre, mais il l’a ressenti et à jamais il en sera marqué. Depuis, il restait ridiculement à deux mètres maximum de la demoiselle. Il en serait bientôt débarrasser.
A la mine satisfaite du quarantenaire propriétaire du bateau, Arciféra décrocha un sourire, dévoilant une  de ses canine acérée. Il allait payer son offense. Et déjà tous ses hommes savait qu’il y aurait du sang, tous soupiraient déjà, levant les yeux au ciel alors qu’un d’entre eux se faufilait pour ouvrir la porte de la cabine.
Il était condamné.
Déjà, des ombres méandreuses s’initiaient entre les tonneaux, les mâts et les cordes, silencieusement, alors que tout était déjà calculé.

Demnesia, ma douce, pense à laisser les autres s’amuser.

Sa voix avait retentit comme la dernière cloche avant la mort. Sans attendre, les trois vipères se jetèrent en avant, alors que le python, bien trop lourd et lent, continuait d’avancer en grommelant. Choses que la Madera avait pour habitude d’entendre. Elle avait cette faculté, avec ses serpents, de pouvoir communiquer et commander.

***

L’hybride avait adoré le reste du voyage. Silencieusement, les matelots avaient poursuivi leurs tâches alors que le capitaine, mort, avait été découpé en morceau pour le repas pour mes précieuses amies. Le reste de son corps était passé par-dessus bord pour les requins. L’odeur de la peur emplissait de joie le cœur vide de la jeune femme. Peut-être qu’il s’agissait de ca après tout… Combler un vide.
A peine le bateau amarré, les matelots s’éjectèrent du pont pour avoir un pied à terre et par la même occasion s’éloigner du « monstre » avec qui ils avaient fait le voyage. Une bourse de cuir vola vers les mains d’un d’entre eux alors qu’un des hommes d’arciféra courbait l’échine en s’excusant discrètement, peu enclin à ce genre de manière. Elle allait pouvoir se diriger vers le repaire du Gardien, même si cela signifiait passer les terres du peuple lupin. Tournant ses yeux noirs vers le reste de ses hommes, elle entrouvrit ses lèvres pâles pour chuchoter :

Ils vont tous y passer, ces imbéciles… Reprenant à voix haute, elle s’écria ; Quartier libre pour tout le monde. Vous m’attendez ici et vous surveillez le bateau !

Elle ne voulait pas être gênée. Lentement, elle s’enfonça à travers la foule du port pour sombrer dans les ruelles de Racium. La proximité entre elle et les autres lui déplaisait fortement, et alors qu’elle tentait de s’écarter un peu de la foule, elle heurta quelque chose et se mit à grogner.

Spoiler:

Le colosse qui se dressait en face de la belle rouquine semblait être aussi sauvage et associable qu'elle. Elle ne pût s'empêcher de remarquer leur point commun et afficha cette fois un sourire amusé. Un sourire rare qu'elle ne portait que rarement, et qu'elle n'avait pas abordé depuis des semaines.

Je ne peux que traverser la ville, à mon plus grand regret. Sans cela, je ferais un détour conséquent, et mes hommes sont lâchés sauvagement dans la ville. J'espère juste qu'il ne mettront pas tout sans dessus dessous en mon absence...

Même si elle savait déjà que ca ne serait pas le cas. Ils craignaient beaucoup trop la fureur et la cruauté de Saundra pour lui faire défaut. Seuls certains imprudents s'y risquaient et seulement quelques uns d'entre-eux s'en sortaient vivant et en un seul morceau, au sens propre. C'étaient ceux qu'elles semblaient appréciés d'ailleurs, même si elle n'hésiterait pas une seconde à donner leur tête à la place de la sienne.

La capuche toujours sur son visage, elle ne pût pourtant cacher ses crocs lorsqu'elle eut souri. Une glaçante envie d'amusement s'empara de l'hybride, elle ne savait pas pourquoi mais son instinct lui criait qu'il pouvait être distrayant de côtoyer un peu le Lycan.

Je me rends près du campement des Lycans. Même si loin de moi est l'idée de vous rendre une petite visite hasardeuse. J'ai une affaire à régler dans les environs.

Elle ignorait totalement l'envie solitaire du géant et elle avait visiblement oubliée la sienne. Lentement elle découvrit son visage. Ses yeux uniques, totalement noirs aux pupilles dorés était atypique et pouvait plaire comme sombrement déplaire à ses interlocuteurs. Ses cheveux roux tombèrent en cascade lentement jusqu'à ses hanches et Ino se montra timidement.

Peut-être pourriez vous généreusement m'aider à sortir de cette foule agitée par des chemins plus solitaires?

Un sourire ? Quirin venait-il de voir se dessiner un sourire sur le visage de la jeune femme ? Très joli sourire au passage mais cela n'en restait pas moins étrange. Mi-lycane, mi-Maderas, il y avait peu de chance que la ravissante demoiselle laisse paraître un rictus de satisfaction.

« Quelle idée d'avoir des hommes aussi peu obéissant. Mais je suis certain qu'une Maderas telle que vous doit savoir clairement se faire comprendre et inspirer la peur sans problème. »

Tout en disant ça, un sourire se dessina sur le visage du géant accompagné d'un clin d’œil à la jeune inconnue. Et oui, le colosse savait, et il était rare pour quelqu'un de connaître et reconnaître l'existence des Maderas. Il y avait une chance sur deux pour que cette fois la jeune femme devienne moins aimable à la suite de cette remarque très particulière. Enfin le Fléau n'était pas là pour le crier sur tous les toits mais dans le doute, ce dernier préféra le préciser :

« Ne vous inquiétez pas, je ne dirais rien sur votre moitié légendaire, restons sur la partie lycane qui vous va à ravir. »

Mais bien vite le sourire du guerrier diminua lorsqu'il entendit la jeune femme parler du campement des lycans. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien vouloir au clan ? Le guerrier allait devoir surveiller ça de près au cas où les choses risqueraient de mal tourner. Ce n'était pas que l'idée enchantait Quirin mais il fallait avouer que sa curiosité était très présente maintenant.

« Je veux bien vous aider mais que voulez vous au campement de mes frères et sœurs ? »

Il n'y avait évidemment aucune animosité dans cette question mais il fallait que le titan le sache afin de s'assurer que les siens n'étaient pas en danger...